Monsieur Nürnberg, que représente la Journée mondiale de la santé mentale programmée le 10 octobre?
Volker Nürnberg: L’année prochaine aura lieu la 30e édition de cette Journée mondiale, qui a vu le jour grâce à plusieurs initiatives internationales, et notamment sous l’impulsion de l’Organisation mondiale de la Santé, l’OMS. En Suisse, de multiples actions sont menées au niveau des cantons, comme celles des différentes alliances régionales contre la dépression. En Allemagne, les caisses-maladie, les employeurs et les prestataires suivent le sujet de près, et des offres numériques s’y rapportant existent déjà. C’est la journée la plus importante de l’année consacrée à la santé mentale en Allemagne et en Suisse.
Quelle est la situation de la santé mentale en Suisse, en Allemagne et en Autriche?
Les maladies psychiques ne sont évidemment pas un phénomène de société limité à la population suisse ou allemande, le problème est présent dans toutes les nations industrialisées. Près de 20% des jours d’absence enregistrés en Suisse sont dus à des troubles psychologiques. En Autriche, la durée moyenne d’une maladie psychique est d’environ 35 jours, et elle est souvent encore plus longue en Allemagne.
Apparemment, ce n’est pas si grave, mais il y a un nombre considérable de cas non déclarés: beaucoup de personnes, en particulier les hommes, ne consultent d’abord aucun médecin ou psychologue. Et même lorsqu’elles font le pas, la maladie est souvent attribuée à autre chose, car c’est un sujet éminemment tabou. De nombreux troubles musculo-squelettiques sont d’origine psychosomatique, les maladies cutanées et les troubles digestifs peuvent aussi être liés à un état mental. Selon les calculs que j’ai réalisés pour elipsLife, on peut de facto estimer au double le nombre réel de jours d’absence relevant de causes psychologiques.
Pourquoi les maladies psychiques se développent-elles autant?
Les causes sont multiples. Cela tient parfois à des prédispositions génétiques ou familiales. Mais généralement, il n’y a pas seulement une seule cause responsable. Cela résulte souvent de l’interaction de facteurs à la fois d’ordre professionnel et privé. Du stress au travail combiné à des soucis personnels peuvent mener à la dépression. Il faut relever parmi les causes la pandémie et le sentiment d’insécurité qu’elle a engendré, mais aussi le cadre général volatil d’un univers VUCA (volatility, uncertainty, complexity, ambiguity). C’est-à-dire, des processus d’évolution économiques qui s’accélèrent de plus en plus, des changements plus rapides au niveau des cadres de l’entreprise, des matériels informatiques et des logiciels, à un rythme tel que tout le monde n’arrive pas à suivre.
Avec quelles conséquences?
Les troubles psychiques constituent désormais la cause principale de l’incapacité de travail précoce en Suisse et en Autriche. En Allemagne également, les troubles psychiques et neurologiques sont, avec 37% des cas, la cause la plus fréquente d’un arrêt d’activité avant l’âge de la retraite. Face à l’évolution dramatique de la démographie et à la forte pression économique subie par les piliers de la prévoyance vieillesse, il est urgent d’agir.
Que peut-on faire?
VN: Il faut vraiment intervenir tôt et préventivement. C’est pourquoi je collabore exclusivement avec elipsLife en Allemagne, en Autriche et en Suisse, car elipsLife aide les employeurs et les cadres d’entreprise à renforcer la résilience de leurs collaborateurs à travers des offres très variées.
En Autriche par exemple, 65% des personnes avouent ne pas avoir les moyens de suivre un traitement pour soigner leurs troubles psychologiques. Cela impose une couverture, comme celle que propose elipsLife. Dans le cadre d’un Care Management complet, on mise sur l’accompagnement préventif des personnes dans leur milieu professionnel qui sont en situation de risques. La réintégration, la gestion des présences et des mesures ciblées constituent une gestion durable de la santé. C’est une situation gagnant-gagnant pour les employés et les entreprises.
Question: Que nous réserve l’avenir?
VN: Bien sûr, la Journée mondiale du 10 octobre ne suffit pas. Il faut que des actions soient menées tout au long de l’année. Il me paraît primordial d’aborder le sujet sans tabou et de façon proactive au sein des entreprises. Les cas d’outing de personnalités suisses telles que Natalie Rickli, la membre du Conseil national, Tina Umbricht, ou le rappeur Andres Andrekson (alias Stress) sont encore trop rares. Le sujet reste tabou dans de nombreux domaines. En Allemagne, Sven Hannawald, fort de sa propre expérience, est désormais l’ambassadeur du gouvernement fédéral pour la santé mentale. Il faut que cela change si l’on veut pouvoir soumettre des offres de prévention viables aux personnes qui en ont besoin.