Greater self-reliance and entrepreneurial freedom keys to managing old-age benefits issue, Ralph Siegl
echo-Interview, Avril 2017

Davantage de responsabilité individuelle et de liberté d’entreprendre dans le domaine de la prévoyance

ELIPSLIFE ECHO - DES ENTRETIENS AVEC DES PERSONNALITÉS DE L'INDUSTRIE

Davantage de responsabilité individuelle et de liberté d’entreprendre dans le domaine de la prévoyance

echo-interview avec Ralph Siegl, Managing Director, Group Management & Operations, Läderach (Schweiz) AG

elipsLife echo: M. Siegel, dans notre société de plus en plus soucieuse de la santé, le sucre sera bientôt considéré comme la nouvelle nicotine. La consommation de chocolat ne semble pas en être affectée. Comment expliquez-vous ce phénomène?

Ralph P. Siegl: Le sucre est surtout pointé du doigt lorsqu’il se cache dans des produits où il n’a pas lieu d’être. Le chocolat est pour sa part un aliment source de plaisir, et le sucre en est indissociable, même pour les produits haut de gamme. Nous veillons scrupuleusement à ne pas ajouter de sucre dans nos produits lorsque cela n’est pas nécessaire.

Läderach a été fondée à Glaris en 1962 et était à l’origine une confiserie. Pendant longtemps, l’entreprise a fourni des confiseurs et des pâtissiers. Elle n’a créé son propre réseau de succursales qu’en 2004, lors de la reprise de la chaîne Merkur. Qu’est-ce qui a poussé Läderach à franchir le pas?

Läderach est une entreprise familiale qui a toujours voulu être indépendante. Au moment de la fondation, les moyens de bâtir un réseau de vente propre manquaient. L’entreprise s’est donc spécialisée dans le B2B, commercialisant des produits finis ou semi-finis de grande qualité, et cela lui a bien réussi. Elle a réalisé son rêve de posséder son propre magasin dans les années 1980 en ouvrant une boutique à Glaris, mais elle a continué de se concentrer sur le B2B. Les restructurations qu’a subies le commerce de détail et qui ont tué de nombreux petits magasins ont fait prendre conscience à Läderach du fait qu’elle dépendait d’intermédiaires. Ce sont le souci d’indépendance et l’envie de posséder ses propres magasins qui ont amené Läderach à acquérir la chaîne Merkur. 

Mais ce n’est pas tout de racheter une chaîne de magasins...

En effet. Après l’achat, Jürg Läderach disposait de 46 boutiques et d’un grand savoir-faire, mais la marque était inconnue des consommateurs. De plus, une partie des fournisseurs de Merkur ont refusé, pour des raisons liées à la concurrence, de fournir le nouveau propriétaire. Les magasins repris ne proposaient donc plus une offre complète comme c’était le cas auparavant. À l’époque, Läderach n’avait pas la capacité de compenser le retrait des fournisseurs, et cela, aussi bien en termes de produits que de marque. Il fallait une marque clairement identifiable par le grand public. Lorsque je suis entré dans cette entreprise familiale après avoir quitté Nestlé, j’avais entre autres pour mission de créer cette marque. L’association de notre savoir-faire en matière de commerce de détail, de notre expérience du travail artisanal, de la grande qualité de nos produits et d’une bonne stratégie de marketing consommateurs a fait de la marque ce qu’elle est aujourd’hui.

Läderach a ouvert sa propre fabrique de chocolat à Bilten en 2012 et a ainsi remisé sa casquette de confiseur pour devenir chocolatier. Läderach produit-elle exclusivement à Bilten?

Nous produisons la masse de chocolat exclusivement à Bilten. Läderach a ouvert sa propre manufacture d’une part en raison du succès rencontré par la marque et par le chocolat frais et, d’autre part, pour rester indépendante, cette fois au niveau de la matière première. Les pâtissiers et les confiseurs achètent la matière première et se distinguent par la valeur ajoutée qu’ils apportent en travaillant cette matière première. Pendant des décennies, Läderach a elle aussi acheté la masse de chocolat, ou chocolat de couverture, à des producteurs suisses spécialisés. Le succès aidant, nous avons remarqué que nous étions dépendants des fournisseurs de notre matière première principale. Jürg Läderach, qui est un entrepreneur courageux, a donc pris la décision de produire lui-même le chocolat de couverture. Les produits artisanaux que nous commercialisons sous notre marque sont quant à eux fabriqués exclusivement à la maison mère, située à Ennenda. Enfin, nous avons un autre site de production à Dillenburg, au nord de Francfort, où nous confectionnons des produits finis et semi-finis destinés au marché B2B allemand et international. Bien évidemment, nous utilisons là aussi le chocolat élaboré à Bilten.

echo-interview with Ralph Siegl

La fabrication de chocolat ne requiert-elle pas un savoir-faire tout à fait différent?

Acheter du chocolat sous forme de matière première liquide pour le travailler est une chose, faire tout soi-même depuis la fève de cacao jusqu’au produit fini en est une autre. D’autres facteurs sont intervenus: nous avons dû trouver la variété de cacao appropriée et les sources d’approvisionnement adéquates. La question de la technologie, de la durabilité, de la qualité des produits, des conditions de culture et des processus de fermentation et de séchage est passée au premier plan. En 2012, nous achetions encore nos fèves de cacao sur le marché mondial; depuis fin 2015, nous nous procurons près de 99% de nos fèves directement auprès de producteurs de cacao qualifiés d’Amérique latine et d’Afrique de l’Ouest. Nous avons pour ambition d’établir un partenariat de longue durée avec eux et entretenons des contacts personnels.

Votre entreprise est la seule chocolaterie de Suisse à être tout à fait intégrée verticalement de la fève de cacao à la vente en magasin. Que faut-il entendre par là?

Nous nous chargeons de toutes les étapes qui mènent de la fève de cacao à la vente en magasin, nous contrôlons tout le processus et nous nous considérons comme une famille au service du chocolat. Läderach est une petite structure. Elle fait certes figure de géant par rapport aux petits artisans, mais de nain si on la compare à l’industrie. On produit cinq millions de tonnes de fèves de cacao par an dans le monde. Nous n’en traitons même pas 400 tonnes.

Quelles sont les principales zones de distribution de Läderach?

Les principaux marchés sont la Suisse, avec environ 40 magasins, et l’Allemagne, avec 12 magasins. De nouvelles boutiques viennent constamment étoffer notre réseau. Les marchés sensibles aux produits suisses sont également importants pour nous. L’Asie nous intéresse particulièrement, entre autres avec le Japon et la Corée du Sud. Nous y sommes présents depuis de nombreuses années. Par ailleurs, nous travaillons dans le secteur de la restauration haut de gamme aux États-Unis depuis plus de 25 ans. Enfin, nous connaissons en ce moment une croissance importante au Moyen-Orient.

À quels canaux de vente Läderach a-t-elle recours dans ces régions?

À part aux États-Unis, où nos activités se limitent au B2B, nous avons des boutiques partout. Nous les exploitons nous-mêmes en Allemagne et en Suisse; sur les autres marchés, nous travaillons avec des partenaires. Nous veillons à ce que notre marque ait une image homogène partout dans le monde. Il était primordial pour nous que la marque bénéficie d’une grande notoriété d’abord en Suisse. Le dernier sondage sur la notoriété des marques a révélé que Läderach était le chocolat préféré de près de 10% des Suisses. Ce résultat nous réjouit.

La Suisse est le pays du chocolat. La concurrence y est énorme. Comment parvenez-vous à vous imposer face à des concurrents renommés?

Läderach se distingue sur le marché par la fraîcheur de ses produits et par son savoir-faire en matière de chocolat. Lorsqu’on demande plus de CHF 100 pour un kilo de chocolat, on est tenu d’offrir plus que de la qualité. La qualité du produit va de soi. Ce qui compte, c’est tout ce qui est associé à l’image de la marque. Notre groupe cible est urbain et hédoniste. J’aime faire la comparaison avec les jeans déchirés Armani. Nous sommes une marque très haut de gamme, mais nous voulons rester accessibles. C’est un numéro d’équilibriste qui s’incarne dans nos chocolats frais: une recette simple réalisée à la perfection. Ce n’est pas un hasard si la cuisine italienne est la seule à gagner des parts de marché aujourd’hui. Elle repose en effet sur trois piliers: la qualité supérieure des matières premières, une préparation parfaite et la simplicité. Cela la rend à la fois accessible, enchanteresse et compréhensible. Nous avons atteint notre objectif grâce au positionnement de notre marque et à notre gamme de chocolats frais.

ELIPSLIFE ECHO - INTERVIEWS WITH PROMINENT BUSINESS LEADERS

Combien de collaborateurs le groupe Läderach compte-t-il?

Nous employons environ 650 personnes en Suisse, dont 400 dans le canton de Glaris. En Allemagne, nous avons une bonne centaine de collaborateurs sur le site de Dillenburg et à peu près autant de salariés dans les différentes boutiques Läderach. Les employés des boutiques exploitées par nos partenaires à l’étranger n’ont pas de contrat de travail avec Läderach.

À votre avis, quels sont les ingrédients nécessaires à une gestion d’entreprise réussie?

Il y en a plusieurs: tout d’abord, la poursuite d’une idée, l’envie d’entreprendre quelque chose ensemble. Ensuite, la ténacité avec laquelle l’objectif fixé est poursuivi. Le fait d’aimer ce qu’on fait et le courage de prendre des risques. Et enfin, suffisamment d’humilité pour savoir s’entourer des bonnes personnes au bon moment. Même les héros doivent être capables de se faire aider.

Le sujet de la prévoyance vieillesse joue-t-il un rôle pour les nouvelles embauches chez Läderach?

Nous devons faire la distinction entre l’équipe de gestion et les autres collaborateurs. Pour l’équipe de gestion, les prestations de prévoyance jouent un grand rôle. Par contre, pour environ 80% des collaborateurs, ce n’est étonnamment pas le cas. Cela est sans doute dû au fait qu’un grand nombre des collaborateurs que nous employons à Glaris ont un bas salaire et sont issus de l’immigration. Ces collaborateurs s’intéressent surtout au salaire qu’ils toucheront à la fin du mois, et pas aux prestations de prévoyance dont ils bénéficieront dans 30 ans. La prévoyance vieillesse fait toutefois partie des piliers stratégiques sur lesquels se fonde notre image de marque d’employeur. Cette question nous occupe également du fait de la réorganisation récente de l’entreprise: les quatre unités que nous comptions ont été réunies au sein d’une seule et même entreprise au 1er janvier 2017. Dans ce contexte, nous nous demandons quel plan de prévoyance – assurance complète ou fondation de prévoyance propre semi-autonome – sera le plus judicieux à l’avenir pour les 650 collaborateurs que nous employons en Suisse.

La Suisse dispose d’un système de prévoyance bien conçu reposant sur le principe des trois piliers, qui combine prévoyance publique et privée. Quel avenir voyez-vous pour ce système?

Personnellement, je pense qu’il vaudrait mieux que la part privée augmente. Plus le temps passera, et moins nous pourrons compter sur l’État. En ce qui me concerne, je n’ai pas l’espoir de recevoir quelque chose de l’AVS. Les projections sur l’évolution de l’AVS d’ici à 2030 laissent penser qu’une augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée est très probable. Je pense qu’il faudrait créer davantage d’incitants pour consolider la prévoyance privée et diminuer l’impôt qui pèse sur elle. Il ne faut pas nécessairement copier le modèle anglo-saxon des fonds de pension, mais une sorte de quatrième pilier qu’on pourrait acheter à titre personnel est indispensable.

Cotiser à titre personnel relève de la responsabilité individuelle. Vous excluez donc l’idée de consolider l’AVS comme premier pilier?

Il faut faire la distinction entre la gestion des charges héritées du passé et le transfert des jeunes dans un nouveau système. On ne peut pas se contenter de donner CHF 70 aux retraités en prétendant que tout ira bien. La situation démographique rend le pacte des générations tel que nous le connaissons aujourd’hui intenable à long terme. Les jeunes qui commencent maintenant à payer des cotisations doivent le faire dans le cadre d’un nouveau système. Pour ce qui est de la disparition de l’ancien système, des solutions doivent être élaborées.

Pour le moment, le monde politique s’accroche à l’idée qu’il faut accroître le rôle de l’État. La mise en place de solutions privées s’annonce mal, car on y mêle trop d’autres choses. On tente de trouver une solution unique pour tous en recourant à la politique de l’arrosoir. Les changements démographiques montrent clairement que, en maintenant la logique de la solution du pacte des générations, nous allons droit dans le mur. On ne résoudra pas le problème en proposant une solution universelle, mais en élaborant des solutions différenciées. 

echo-Interview, April 2017

Quelle est votre position concernant la flexibilisation de l’âge du départ à la retraite?

Personnellement, je suis pour une libéralisation totale. Une personne qui veut travailler jusqu’à 70 ans doit pouvoir le faire. Je ne vois pas pourquoi les femmes et les hommes doivent partir à la retraite à un âge différent. Il faut permettre une flexibilité maximale, entre autres en raison des nouveaux modèles de travail.

La réforme Prévoyance vieillesse 2020 est-elle discutée dans votre entreprise?

Pas encore. Je commence à examiner ce sujet, notamment du fait de la nouvelle orientation que Läderach donne à la prévoyance vieillesse, comme je l’ai déjà évoqué. Ce ne sont pas les questions techniques qui m’intéressent dans cette thématique, mais l’état d’esprit et les concepts fondamentaux qui se cachent derrière elle. La tendance à étatiser de plus en plus ces domaines va trop loin. Mais il est vrai que je ne suis pas un défenseur de la nationalisation de ces secteurs. Il n’est pas judicieux de déresponsabiliser les individus pour confier leurs responsabilités à l’État. De plus, j’ai un grand respect pour le pacte des générations. Les jeunes ne sont plus disposés à financer le train de vie des personnes plus âgées si cela doit se faire à leurs dépens, et ils ont raison.

Vieillissement de la population et intérêts bas mettent les caisses de pension sous pression. Celles-ci, et nous par la même occasion, feront-elles les frais de ces promesses de prestations impossibles à financer?

Les caisses de pension pourraient théoriquement investir dans des immeubles de rapport. Nous-mêmes, nous avons reçu des offres d’investisseurs qui auraient aimé construire la fabrique de Bilten pour nous la louer pendant 30 ans et placer ainsi plus intelligemment leur argent qu’en payant des intérêts négatifs dessus. Le contrat de prestations des caisses de pension détermine ce que celles-ci ont le droit de faire ou non. De mon point de vue, on boucle ici la boucle de la responsabilité individuelle: les caisses de pension accumuleraient moins d’argent si on épargnait soi-même plus pour la prévoyance. Je ne crois pas que les caisses de pension puissent devenir les victimes de leur propre modèle commercial si on leur laisse la liberté d’entreprendre. Mais elles sont bloquées par l’étroit corset que leur impose l’État en matière de possibilités de placement.

À votre avis, les bénéficiaires de rente doivent-ils contribuer à l’assainissement du système de prévoyance ou est-il tabou de toucher aux droits à la rente acquis?

Spontanément, je dirais que les droits à la rente acquis sont tabous. Ils ont été promis, et les bénéficiaires ont fait ce qu’ils devaient pour en profiter. Si nous voulons trouver une solution politiquement tenable, nous n’aurons guère d’autre choix que de maintenir ces prestations. Mais je ne les étendrais en aucun cas.

Si vous pouviez donner un conseil aux caisses de pension, quel serait-il?

Elles devraient faire en sorte d’obtenir une plus grande liberté d’entreprendre pour être en mesure de remplir la mission économique que leur confie leur clientèle toujours plus variée. J’ai fait l’expérience que, dans la plupart des cas, les entrepreneurs s’en sortaient bien lorsqu’on leur laissait les mains libres.

echo-interview with Ralph Siegl, Managing Director, Läderach Chocolatier Suisse
NOTES SUR LA PERSONNE
Ralph Siegl
Managing Director, Group Management & Operations, Läderach (Schweiz) AG

Ralph P. Siegl, né en 1966, a obtenu une licence en sciences politiques/relations internationales à l’Université de Saint-Gall (HSG) en 1992 et un master à la London School of Economics and Political Science (LSE) en 1993. Il a commencé sa carrière au Bureau de l’intégration DFAE/DFE à Berne et à Bruxelles avant de travailler dix ans comme spécialiste du commerce extérieur et Export Business Unit Manager chez Nestlé Suisse S.A. à Vevey et comme Vice President Exports chez Nestlé Australie/Océanie à Sydney. Entre 2006 et 2016, il a été CEO de Confiseur Läderach AG et était chargé de développer la marque «Läderach – chocolatier suisse». Depuis 2017, Ralph P. Siegl est Managing Director au sein du Group Management & Operations du groupe Läderach, qui a été restructuré. Il est également membre du conseil d’administration de Gübelin Holding AG, Lucerne, et du conseil d’administration de Bank Linth LLB AG, Uznach, dont il est devenu président en 2016. Il est marié et père de famille.

echo-Interview avec Ralph Siegl

Imprimer